HIVER A SOKCHO
ven. 14 févr.
|LE COLISÉE CARCASSONNE
Drame France-Corée du Sud - 1h45 (8/01/25) De Koya Kamura Avec Roschdy Zem, Bella Kim, Park Mi-hyeon


Heure et lieu
14 févr. 2025, 18:00 – 25 févr. 2025, 20:00
LE COLISÉE CARCASSONNE
À propos de l'événement
HORAIRES
5 séances avec des horaires pouvant varier de quelques minutes :
Les horaires précis sont déterminés chaque semaine par le Colisée.
Ven 14/02 : 18h30 - Lun 17/02 : 14h.
Jeu 20/02 : 16h40 - Dim 23/02 : 18h50 avec présentation du film par un membre de l'association - Mar 25/02 : 20h45.
SYNOPSIS
A Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha, 23 ans, mène une vie routinière, entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami, Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand, dans la petite pension dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens et tisser un lien fragile.
CRITIQUES
Abus de ciné
Hiver à Sockcho" s’ouvre sur un plan sur les montagnes enneigées près de la frontière avec la Corée du Nord. Une vue qui ressemble, par ses nuances de noirs, gris et blancs, aux peintures des paysages chinois ou japonais, mêlant encre et aquarelle. Et une manière d’introduire dès le départ ce que vient en partie chercher ici cet homme français, teinté de mystère, qui demande rapidement à acheter de l’encre et du papier, pour des dessins qui resteront un secret malgré la curiosité de Soo-Ha. Cette curiosité est bien au centre de ce long métrage délicat, où malgré elle, cette jeune femme tente de renouer avec ce père qu’elle n’a jamais connu, mais dont elle a appris la langue comme un possible trait d’union invisible, au travers de cet étranger. Au fil d’un récit qui prend son temps, adapté du roman d’Elisa Shua Dusapin, s’attachant à de petits détails du quotidien (dont la cuisine, ici méticuleuse et particulièrement importante), une certaine complicité va se développer entre elle et lui, alors qu’elle l’aide à trouver ses fournitures ou se retrouve à l’emmener en voiture vers la zone de démilitarisation.
Utilisant le symbole de cet entre deux, d’une guerre qui n’a jamais pris fin, dont des familles séparées souffrent encore, l’auteur évoque celui dans lequel se trouve son personnage féminin, séparé de ce père imaginé, et cherchant inconsciemment dans le comportement du visiteur des réponses à ses questions, voir un lien possible. Tendre par la douceur de son héroïne, ce cruel portrait d’une jeune fille qui se sent abandonnée, malgré l’attention de sa mère, vire au drame intimiste dont les sursauts se retrouvent étouffés par la tranquillité des paysages enneigés et l’attitude un peu abrupte de l’étranger. La jeune Bella Kim porte le film sur ses épaules, composant un personnage dont la routine se retrouve déstabilisée par une connivence apparente avec le personnage joué par un Roschdy Zem dont la distance semble s’effacer ponctuellement face à ses points d’intérêt. Un film dont l’émouvante tristesse rappelle avec tact qu’en amour comme dans toute relation, les objectifs de chacun ne convergent pas forcément.
Télérama :
Il y a de la neige sur la plage de Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, mais une douce chaleur danse dans les yeux de Soo-Ha, 23 ans, qui travaille au Blue House, la petite pension de Monsieur Park. « Tu vis sur quel fuseau horaire ? La France ? » demande ce veuf faussement bougon quand la cuisinière arrive en retard après une nuit avec son coquet et superficiel fiancé, puis être passée dire bonjour à sa mère, vendeuse de poisson sur le marché.
Car Soo-Ha, beauté longiligne à lunettes, est née d’un père français qu’elle n’a jamais connu et dont sa mère refuse de parler. Alors quand, à l’accueil de la pension, Yan Kerrand, un célèbre dessinateur venu de Normandie (Roschdy Zem, opaque et charismatique), demande une chambre, c’est le début d’une énigmatique et pudique relation entre Soo-Ha, qui rêve de ses origines, et cet artiste voyageur en quête d’inspiration…
Pour son premier long métrage, adapté du roman éponyme d’Elisa Shua Dusapin, le Franco-Japonais Koya Kamura choisit le décor d’une Corée littorale et magnifiquement engourdie par le froid pour composer un film d’une grâce folle, contemplative et si sensuelle en même temps, entre bleu gris mélancolique et bruns profonds. On pourrait passer en revue tous ces minuscules moments, véritables haïkus, que le cinéaste – c’en est un, c’est certain – dissémine dans cette chronique sur un lien fragile, fugace, mais constructif, entre deux solitudes : des doigts tachés d’encre ; un homme qui doit mâchouiller le papier sur lequel il dessinera ; encore de l’encre, de seiche ou sur un pinceau rageur ; un autre pinceau avec lequel une fille réinvente les traits de son visage dans une salle de bain embuée ; ou cette lame de couteau souillée par le poison noir du fugu, ce poisson mortel si on ne le prépare pas avec un soin particulier.
Entre banalités du quotidien trouées d’un humour délicieux et tourisme à deux – dans les rues et les hauteurs de Sokcho, mais aussi dans la zone démilitarisée à la frontière de la Corée du Nord, où de vieux messages témoignent de familles à jamais séparées –, le dessin s’invite, en petites séquences animées, pour tracer une identité en devenir, et la beauté des corps, leur possible envolée. Détail qui n’en est pas un en termes de réalisme délicat : qui, avant Koya Kamura, a eu l’idée toute simple de montrer en gros plan une fille mettant, maladroitement, des lentilles avant de sortir dîner avec un homme sur lequel elle projette trop d’espoirs ? Qu’importe les illusions sans lendemain, car le printemps succède toujours à l’hiver, et dans ce film dont les perspectives coréennes évoquent si fort le Japonais Kore Eda, une jeune femme, incarnée divinement par Bella Kim, finira par se dessiner le sourire le plus confiant en l’avenir.
Libération :
On pourrait faire une rétrospective des films qui jouent de l’écart de compréhension sociale, culturelle, entre un étranger de passage et les autochtones, un lignage finalement très régulièrement enrichi depuis notamment Lost in Translation de Sofia Coppola en 2003. Dans Hiver à Sokcho, Roschdy Zem joue Yan Kerrand, un Français, auteur de bande dessinée à succès, qui s’installe plusieurs semaines dans cette ville portuaire de Corée du Sud, au bord de la mer du Japon, plongée dans un hiver neigeux. Ténébreux, pas spécialement liant, il s’escrime à renouveler son style dans cet environnement chiche, une villégiature à la Blue House, une pension décatie où travaille Soo-Ha (Bella Kim), jeune femme francophone. Celle-ci est intriguée par ce locataire sans doute parce qu’il vient du pays d’un père qu’elle n’a pas connu qui a abandonné sa mère et elle-même pour ne plus donner de nouvelles. La relation se noue et s’étire entre froid et tiède, semi-confessions et silences têtus. Lui est arc-bouté sur ces dessins et ne veut rien en dire. Elle cuisine divers plats avec une même attention au détail.
Le film est l’adaptation du premier roman de la jeune Elisa Shua Dusapin paru aux éditions Zoe en 2016, ayant reçu le National Book Award dans la catégorie littérature traduite. Franco-Coréenne, elle jetait dans la fiction des interrogations identitaires qui ont suscité l’attention du réalisateur Koya Kamura, lui-même partagé entre la France et le Japon. Il suffit de lire quelques pages du livre pour comprendre à quel point il essaie de restituer l’intimité de la forme de l’écriture dans un récit travaillant la question de l’isolement des individus prisonniers de leur propre obsession mais sur un mode tellement mineur, en suspension et par petites touches, qu’on finit par trouver que le film dégringole lui-même la pente dépressive de ses personnages sans parvenir à la transmuer en quelque chose d’un tant soit peu fascinant. Le film a du charme bien entendu comme souvent ses évocations déphasées des visiteurs de passage mais difficile de ne pas trouver que l’hiver cotonneux passe bien lentement.
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=fCCWkLJ6WCU